
COVID-19 : la nouvelle stratégie du Manitoba inquiète des experts | Coronavirus
La province a annoncé mercredi qu’elle passait d’une stratégie visant la réduction du nombre de cas à une approche ayant pour objectif « l’atténuation des risques » dans la communauté.
Je pense que nous ne sommes pas préparés, du point de vue des soins de santé, au tsunami d’admissions hospitalières qui va se produire si nous laissons faire
, déclare Philippe Lagacé-Wiens, microbiologiste médical à l’Hôpital Saint-Boniface.
Il y a encore suffisamment de personnes fragiles qui développeront des complications, ou qui ne sont pas vaccinées, pour inonder le système de soins de santé.
Le gouvernement ne peut pas protéger tout le monde. Les gens doivent apprendre à se protéger eux-mêmes, on doit apprendre à vivre avec la situation
, a indiqué la première ministre Heather Stefanson lors de l’annonce de ce changement de stratégie.
Elle a dit également que les politiques mises en place par le Manitoba ne sont pas uniquement fondées sur l’avis de la santé publique, mais aussi celui du milieu des affaires notamment.
Selon M. Lagacé-Wiens, si la province veut utiliser cette approche, les responsables doivent être préparés aux conséquences et disposer d’un plan clair pour soutenir le système de santé lorsque le nombre de patients augmente.
« Je n’ai rien entendu jusqu’à présent qui satisfait mes inquiétudes quant à la capacité du système de soins de santé. »
Comment allons-nous créer des centaines de lits d’hôpitaux supplémentaires avec un personnel limité qui est absent pour cause de maladie? Comment allons-nous gérer les lits des unités de soins intensifs s’ils sont à nouveau débordés alors que le reste du Canada est dans la même situation critique que nous?
Brandir un drapeau blanc
Le professeur de santé communautaire et d’épidémiologie au collège de médecine de l’Université de la Saskatchewan, Nazeem Muhajarine, souligne que la stratégie de ne pas essayer de contenir le virus montre que la province est presque en train de concéder
la victoire à la COVID-19.
On n’agite pas encore le drapeau blanc, mais on a l’impression qu’on n’en est pas loin
, affirme M. Muhajarine.
Selon lui, le Manitoba devrait s’inspirer de provinces comme l’Ontario et le Québec qui ont pris des mesures plus agressives et proactives
pour tenter de mettre le vriant Omicron en échec.
Il ajoute que des efforts pour réduire le nombre de cas sont encore nécessaires pour protéger les personnes qui ne peuvent pas se faire vacciner et pour alléger la charge de travail des travailleurs de la santé.
Nous ne pouvons pas nous contenter de dire que nous allons laisser le variant Omicron ravager la population et que nous allons ensuite trouver un moyen de gérer les pertes. Je pense que c’est un prix trop élevé à payer.
Quant aux remarques de la première ministre sur la nécessité pour les Manitobains de se protéger eux-mêmes
, M. Muhajarine affirme que les démocraties ne fonctionnent pas ainsi.
Nous avons besoin de leaders pour diriger les gens. Nous n’avons pas besoin de leaders qui nous renvoient la balle en disant que c’est à nous de faire ce qui est juste. Nous attendons d’eux qu’ils veillent au bien-être collectif des personnes qu’ils représentent. Faire autre chose est simplement une abdication de ce contrat que nous avons avec nos dirigeants.
Le retour en classe
Alors que les enfants retournent à l’école lundi, Deanna Santer, immunologiste et parent, s’inquiète des conséquences de cette nouvelle approche de la province sur l’apprentissage en classe.
Ils ne font plus vraiment de recherche de contacts, nous sommes un peu livrés à nous-mêmes. Mais c’est très important dans les écoles de pouvoir savoir quand il y a un cas dans une classe
, indique Mme Santer.
Je sais que les enseignants vont probablement faire de leur mieux, mais ce sera difficile au moins pour les prochaines semaines.
Elle-même a deux enfants âgés de moins de 10 ans. Elle sait que les vaccins sont très utiles contre le variant Omicron, mais elle craint les conséquences qu’auront les non-vaccinés dans cette vague.
Les données provinciales indiquent que les Manitobains non vaccinés sont 21 fois plus susceptibles d’être admis dans une unité de soins intensifs et 17 fois plus susceptibles de mourir de la COVID-19.
Je sais qu’ils tentent d’utiliser ces chiffres pour dire que la plupart des gens iront bien, mais je ne veux pas ignorer les enfants de moins de 5 ans ou les personnes âgées. Nous ne pouvons pas prédire les conséquences graves
, dit Mme Santer.
Avec les informations de Sam Samson