En envoyant les hockeyeurs juniors à Pékin, l’IIHF ferait d’une pierre trois coups
La fin de l’année 2021 s’avère catastrophique pour le hockey international. L’un après l’autre, la Fédération internationale de hockey sur glace (IIHF) voit ses grands projets taillés en pièces par la virulence du variant Omicron.
Mercredi, à la stupéfaction générale, l’IIHF et Hockey Canada ont mis fin au Championnat mondial junior avant d’en perdre le contrôle. Quelques cas de COVID-19 avaient provoqué l’annulation de trois des quatre matchs prévus au cours de cette journée, et l’intégrité du tournoi était déjà compromise.
La volatilité du variant (constatée de plein fouet dans la Ligue nationale de hockey) faisait craindre aux organisateurs et à leur commission médicale que des matchs éliminatoires puissent se solder par des forfaits à compter de la semaine prochaine.
Un incroyable chaos logistique était aussi à prévoir dans l’éventualité où, après la compétition, les délégations présentes à Edmonton et Red Deer auraient pu être contraintes de quitter le Canada en laissant derrière elles de nombreux jeunes (dont certains sont mineurs) placés en quarantaine.
Quelques jours avant d’être forcée de prendre cette décision choc, l’IIHF avait appris que la LNH – toujours en raison du variant Omicron – n’allait pas déléguer ses joueurs aux Jeux de Pékin. Des années de négociations et de diplomatie sportive se sont ainsi envolées en fumée.
Sans compter le fait que, toujours à cause du variant Omicron, l’IIHF avait annoncé juste avant Noël que six Championnats mondiaux devant être présentés en janvier étaient annulés.
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Je vous le concède, le bon vieux proverbe chinois cité au début de cette chronique semble un peu farfelu dans les circonstances. Pourtant, si l’on y regarde de plus près, cette cascade d’événements constitue peut-être une occasion unique pour l’IIHF.
Cette tempête est tellement parfaite qu’il suffirait d’une réaction rapide des dirigeants de la fédération, et d’un peu de souplesse, pour transformer positivement toutes les calamités qui viennent de s’abattre sur le hockey.
En conférence de presse mercredi, le président de l’IIHF, Luc Tardif, a plusieurs fois répété que tous les efforts allaient être déployés pour que le mondial junior soit disputé plus tard cette année, probablement au mois de juin. Peut-être même au mois d’août.
Si l’on s’en tenait aux scénarios déjà établis, le mondial junior ne pourrait être repris avant juin, car le calendrier d’activités de l’IIHF est déjà rempli au maximum de sa capacité. Et puis, on ne peut pas organiser un autre Championnat du monde en claquant des doigts.
Tous les championnats qui devaient être disputés en janvier ont déjà été annulés.
Les Jeux olympiques de Pékin occuperont tout le mois de février.
Une vingtaine d’autres championnats mondiaux sont prévus en mars et en avril.
Le Championnat mondial masculin, l’événement phare de l’IIHF, aura pour sa part lieu en mai.
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Aux grands maux, les grands moyens! En tenant compte de tout ce qui précède, la solution la plus pratique (et sympathique) qui s’offre aux décideurs de l’IIHF consiste à battre le fer pendant qu’il est brûlant et à décréter que les meilleurs juniors de la planète s’affronteront sur la plus grande scène du monde aux Jeux de Pékin!
Pensez-y un instant.
Depuis le désistement de la LNH, toutes les nations devant participer aux Jeux doivent composer de nouveaux alignements avec des remplaçants qui n’appartiennent pas à l’élite mondiale. Or, les Jeux olympiques sont censés rassembler les meilleurs athlètes de la planète.
Les joueurs qui prenaient part au mondial junior à Edmonton sont les meilleurs athlètes au monde au sein de leur groupe d’âge. Exactement comme les joueurs de soccer qui prennent part au tournoi olympique des Jeux d’été et qui sont âgés de moins de 23 ans.
Les meilleurs hockeyeurs d’âge junior, on s’entend, se rapprochent beaucoup plus de l’idéal olympique que les vétérans gagnant leur vie dans les championnats européens. Et de toute manière, ces mêmes vétérans des circuits européens ne seront pas privés de hockey international puisqu’ils auront l’occasion de participer au Championnat mondial au mois de mai.
Par ailleurs, les équipes de remplacement qu’on devait assembler à la suite du désistement des joueurs de la LNH ne sont pas encore faites, tandis que les équipes nationales juniors sont déjà fonctionnelles.
Il suffirait de centraliser les équipes juniors, chacune dans leur pays, pendant quelques semaines avant de les envoyer à Pékin. Contrairement à ce qu’on a vu à Edmonton et Red Deer, les juniors pourraient disputer leur tournoi en entier aux JO parce qu’une véritable bulle sanitaire a été prévue pour les protéger.
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Cela dit, les arguments militant en faveur d’une participation des juniors aux Jeux de Pékin ne sont pas que logistiques. Ils sont surtout sportifs.
Là-dessus, je ne démords pas : toutes catégories confondues, le Championnat mondial junior est le plus intéressant tournoi de hockey international qui soit.
Comme je l’écrivais il y a quelques années, un tournoi olympique rassemblant les meilleurs juniors offrirait aux amateurs la plus pure version possible du hockey international.
Parce que bon an mal an, quatre ou cinq pays aspirent à la conquête de la médaille d’or.
Parce que les formations de chaque pays changent presque complètement d’une année à l’autre, ce qui ajoute à l’imprévisibilité du résultat final.
Et parce que les meilleurs hockeyeurs de 19 ans et moins pratiquent un style de jeu extrêmement rapide et ouvert qui ne souffre pas encore de la standardisation défensive de la LNH.
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Finalement, juste pour s’assurer de couvrir tous les angles, un autre argument logistique s’impose.
Le tournoi olympique est tout préparé d’avance. Tout chaud. Il ne reste qu’à asseoir les hockeyeurs dans des avions pour qu’il se mette en branle.
Au lieu de consacrer d’importantes ressources à la préparation d’un autre mondial junior au mois de juin, l’IIHF pourrait réserver ce mois pour la présentation des six championnats mondiaux qui étaient prévus en janvier et qui ont été annulés. Et toute la communauté du hockey en sortirait gagnante.
Au final, cela équivaudrait donc à transformer une terrible crise en une opportunité exceptionnelle.