
Erreur de diagnostic ou querelle politique?
Le 27 octobre 2021, les patients et leurs familles encaissent un coup dur. J’en ai vu assez pour me faire douter qu’il y ait un syndrome neurologique inconnu
, indique Dorothy Shephard, la ministre de la Santé du Nouveau-Brunswick.
La ministre Shephard dévoile les conclusions de l’enquête épidémiologique lancée cinq mois plus tôt.
Avec toutes les informations que je connais aujourd’hui, je ne crois pas que les patients soient liés entre eux par la même maladie
, ajoute-t-elle.
Un rapport accablant pour l’hypothèse du Dr Marrero et les familles des patients.
« À l’heure actuelle, on sait qu’aucun comportement, aucune exposition environnementale ou alimentaire ne met les Néo-Brunswickois en danger. »
La conclusion de l’enquête épidémiologique est essentiellement basée sur un sondage téléphonique (Nouvelle fenêtre) effectué auprès de 34 des 48 patients de la grappe. Ce sondage de 74 pages nous apprend, entre autres, que 91 % des répondants ont consommé des aliments sauvages, que 97 % ont consommé des fruits de mer jusqu’à deux ans avant le début des symptômes.
À ma connaissance, l’analyse des réponses au questionnaire épidémiologique détaillé ne recommandait pas de tests [environnementaux] supplémentaires
, indique Dorothy Shephard.
La santé publique ne fera pas de demande pour des tests dans l’environnement, ni dans l’alimentation, ni sur les patients et les victimes, et ce, malgré l’insistance des familles.
Riverview, décembre 2018
Laurie Beatty est un homme d’affaires retraité, sans antécédents médicaux connus. Lors du réveillon de Noël, son état bascule subitement, Laurie Beatty perd contact avec la réalité. Peu de temps après, il consulte son gériatre en collaboration avec le neurologue Alier Marrero. Il meurt cinq mois plus tard. La famille demande une autopsie.
Le Dr Marrero, qui a examiné monsieur Beatty avant sa mort, croit qu’il a été emporté par le nouveau syndrome.
Ce n’est pas trop demander que les tissus des personnes décédées soient testés pour des toxines. Ce n’est pas trop demander, mais ça n’a pas été fait. Et je ne comprends pas pourquoi
, indique Jill Beatty, fille de Laurie Beatty.
Durant la même période, le résultat des autopsies de huit patients atteints du syndrome est publié sur le site de l’Association canadienne des neuropathologistes. Selon le rapport sommaire, les huit patients font partie d’un groupe dont le diagnostic est mal classé.
Le Dr Marrero refuse de voir son hypothèse balayée aussi facilement.
Je dis qu’il faut faire d’autres tests et qu’il faut tester, on ne peut pas faire l’investigation d’un problème neurologique grave avec des entrevues téléphoniques
, croit-il.
Cette opinion est d’ailleurs partagée par plusieurs scientifiques à qui nous avons parlé.
Selon le neurologue Marrero, les conclusions de l’enquête épidémiologique du Nouveau-Brunswick sont au moins critiquables et les autopsies pratiquées sur les victimes de la grappe sont incomplètes.
On m’a demandé de consentir avec les familles à prendre non pas seulement le cerveau, mais aussi des biopsies des reins, des tissus gras et du foie afin de tester les toxines
, indique le Dr Marrero.
Au début de 2021, le groupe de travail fédéral-provincial chargé d’étudier la grappe du Nouveau-Brunswick a demandé au Dr Marrero le consentement des familles touchées pour obtenir des dons de tissus supplémentaires pour des recherches futures.
Ils dorment dans le laboratoire. Il y a des centaines d’échantillons qui dorment dans le laboratoire
, fait valoir le neurologue.
Quant à Laurie Beatty, une autopsie a révélé qu’il souffrait d’alzheimer. Mais ses enfants, Jill et Tim, sont convaincus que ce n’est pas cette maladie qui a emporté leur père en moins de 5 mois.
C’était autre chose. Le déclin a été rapide… ce n’était pas une pente douce, c’était une descente abrupte
, dit Tim Beatty.
Jill et Tim font pression sur les autorités de la santé publique pour que les recherches sur la cause de la maladie reprennent.