
La production artisanale de sauces piquantes gagne en popularité
Julien Fréchette, fondateur et propriétaire de La pimenterie, à Montréal, s’est lancé dans cette aventure il y a cinq ans. Documentariste de profession, il se consacre à temps plein à son entreprise depuis l’an dernier, en aménageant de nouvelles installations pour la production de sauces fortes, de sauces barbecue et de sirop d’érable épicé.
« Notre chiffre d’affaires est sur la voie de doubler depuis l’année dernière, donc les choses vont vraiment plus vite qu’on ne le pense. »
Il affirme qu’il n’y avait que quatre producteurs de sauce piquante au Québec lorsqu’il a commencé, en 2016, alors qu’il en recense au moins dix fois plus aujourd’hui.
Ce qui se passe en ce moment avec l’industrie de la sauce piquante artisanale, c’est un peu le même phénomène qu’on a observé avec les microbrasseries partout à travers le pays
, affirme-t-il.
Les ventes de sauces fortes à l’échelle mondiale ont dépassé les 5,5 milliards de dollars en 2020, selon des sociétés d’études de marché. Les analystes prévoient une croissance annuelle d’au moins 5 % au cours des prochaines années.
Là, ce qu’on voit, c’est que les ventes de condiments épicés, de sauces piquantes, ont dépassé celles du traditionnel ketchup. C’est juste pour dire à quel point c’est devenu une habitude de consommation
, affirme l’entrepreneur.
Avec justement l’Internet et les réseaux sociaux, nos sauces qui étaient destinées initialement au marché québécois trouvent un rayonnement à travers le monde
, ajoute-t-il.
Une demande amplifiée par la pandémie
En avril dernier, Shannon Armishaw et Kevin Rickey ont lancé leur propre entreprise de sauce piquante, Smoke & Tears. Elle venait de terminer sa maîtrise en muséologie, alors qu’il avait travaillé depuis une vingtaine d’années comme chef dans divers restaurants — deux industries durement frappées par la pandémie.
Le couple torontois, qui s’amusait depuis une décennie à produire des sauces épicées pour des amis et des proches, a vendu plus de 5000 bouteilles en 8 mois.
« Notre croissance a été exponentielle. Nous vendons en ligne seulement, sans publicité, donc c’est vraiment grâce au bouche-à-oreille. »
Shannon Armishaw estime que le télétravail et les confinements ont aussi accéléré les achats de sauces. Les gens étaient coincés à la maison, ils cuisinaient beaucoup plus que d’habitude et ils voulaient mettre un peu de piquant dans leur assiette
, dit-elle.
Elle souligne que de nombreux défis
sur TikTok et YouTube, entre autres, ont démocratisé la dégustation de sauces fortes. Un groupe sud-coréen, NCT Dream, a même intitulé l’une de ses chansons Hot Sauce
, dont le vidéoclip a connu un succès fulgurant en ligne.
L’Occident a toujours été un peu en retard par rapport à des pays où le piment fort est natif, souligne Julien Fréchette, qui a même réalisé un documentaire sur le sujet. Maintenant, dans l’imaginaire collectif, on sait c’est quoi un habanero, on sait c’est quoi un ghost pepper.
Le palais des Canadiens s’est vraiment raffiné au niveau du piquant et on a vu un boom au niveau de la sauce piquante.
Des festivals et des événements consacrés aux sauces piquantes artisanales continuent d’attirer des foules ces dernières années.
Après avoir été reportée quatre fois en raison de la pandémie, l’exposition Heating up the Capital a finalement vu le jour à Ottawa en septembre dernier. L’événement d’une journée, qui mettait en vitrine une vingtaine de producteurs, a accueilli quelque 900 participants.
L’organisateur Haico Krijgsman connaît bien l’industrie. Il est lui-même producteur de piments forts et de sauces piquantes et gère aussi avec son épouse une boutique en ligne qui vend les produits d’une trentaine de fabricants artisanaux canadiens.
« On s’en prend aux gros joueurs. On s’accapare de plus en plus de parts de marché. »
Selon lui, bien que le marché des sauces piquantes devienne de plus en plus saturé, avec de nouveaux producteurs qui se lancent en affaires chaque année, il ne les voit pas comme ses concurrents.
Au contraire, M. Krijgsman aime collaborer avec eux et les promouvoir par l’entremise de son nouvel événement et de son commerce en ligne.
C’est ce que j’aime, c’est que nous sommes un peu une grosse famille
, renchérit Larry Russell, copropriétaire de Meow! That’s Hot, lui aussi basé à Ottawa.
Certains sollicitent sa cuisine et ses équipements pour commencer leurs propres sauces piquantes. Il se réjouit de voir des produits locaux, dont les siens, sur les étagères de chaînes d’épiceries comme Loblaws, Sobeys et Farm Boy.