
Le gingembre du Québec : une culture émergente dans l’assiette des Fêtes
Vraiment tendre et vraiment juteux
, non ligneux
, très piquant et très goûteux
, floral
, puissant
, frais
: tant de qualificatifs pour décrire un petit bout de racine. Ces mots sont ceux de Francine Pomerleau, une agricultrice qui cultive du gingembre, Léa Charest, une épicière qui en vend et du nutritionniste Bernard Lavallée.
La propriétaire de l’épicerie Accommodation bio est emballée par le gingembre du Québec.
On peut le consommer d’une fibre à l’autre, pas besoin de l’éplucher
, fait-elle remarquer. C’est que le gingembre québécois ne se rend pas à maturité, il reste bébé et lorsqu’on vient de le cueillir, il n’a pas de peau brune séchée, il est plutôt rosé.
Pionnière de l’agriculture biologique au Québec, Francine Pomerleau a ajouté le gingembre aux nombreuses productions de sa ferme de Saint-François-de-la-Rivière-du-Sud près de Montmagny, il y a deux ans. Elle a abandonné la culture de tomates en serre pour laisser place aux rhizomes tropicaux.
Mme Pomerleau voulait se distinguer et avoir de quoi de nouveau à offrir
à ses clients qui achètent ses paniers de légumes chaque semaine.
On le part en février à l’intérieur, puis ensuite on transplante dans la serre en mai pour une récolte à partir de septembre
, explique celle qui a produit 500 kilos de gingembre la saison passée.
Parmi ses clients, l’épicière Léa Charest. Celle qui raffole de cette racine parfumée n’a aucune difficulté à la vendre, même si elle coûte environ deux fois plus cher que celle du Pérou notamment. Comme le gingembre d’ici est plus goûteux
, il suffit d’en mettre moins, explique-t-elle. Il se congèle aussi très bien pour éviter les pertes.
Nul besoin d’avoir du gingembre en poudre pour réaliser les recettes traditionnelles du temps des Fêtes, explique-t-elle. Il suffit d’utiliser du gingembre râpé, en diminuant la quantité requise puisqu’il est plus juteux et plus goûteux.
Titillée par ce rhizome, l’épicière souligne qu’il est aussi possible d’aller chercher une texture de jujube éclatante de saveur
. Il suffit de le confire dans un liquide sucré et de l’utiliser comme on utiliserait des fruits séchés.
Cultiver son gingembre à la maison
Cette passion pour la racine aromatique, le nutritionniste Bernard Lavallée la partage aussi. Le gingembre fait partie de ma cuisine au quotidien
, dit-il.
Il y a quelques années, il a même commencé à en produire chez lui. Quand j’ai découvert que c’était possible de cultiver soi-même son gingembre dans son potager ou même sur son balcon dans un pot, je me suis dit: « wow c’est vraiment l’fun faut que je l’essaie » et quand j’ai réalisé que ça marchait je me suis dit il faut que je le partage aux gens.
Il y consacre d’ailleurs un article sur sa page web. C’est très simple
, confie-t-il.
Il faut prendre la racine, qu’on peut acheter à l’épicerie par exemple, on la laisse hydrater pendant 24 h, puis on la plante dans la terre. On la met à la surface de la terre dans un pot à l’intérieur, on ajoute un petit peu de terreau par-dessus et on met [le pot] près d’une source de chaleur et de lumière pour que le gingembre se réveille tranquillement.
Il suggère de transplanter au jardin pendant l’été ou encore de sortir le pot sur le balcon. La récolte se fait en septembre. Une racine de gingembre produit le double, estime-t-il.
Superaliment?
Si plusieurs parlent du gingembre comme un d’aliment qui fait des miracles, le nutritionniste apporte un bémol.
Très souvent, plus un aliment a un goût prononcé parce que la saveur est puissante, notre imaginaire a l’impression que son bienfait sur la santé va être puissant aussi
, explique-t-il.
Il ne faut pas oublier que le gingembre est généralement utilisé comme épice, donc en petite quantité, l’apport nutritionnel en demeure limité.
« La réalité, c’est que des aliments magiques ça n’existe pas. Le gingembre c’est intéressant oui, mais c’est intéressant comme n’importe quel aliment frais avec lequel on va cuisiner. »
Impossible de dire exactement combien de producteurs cultivent le gingembre au Québec, mais ils sont facilement plusieurs dizaines.
Vu le succès de cette culture émergente, l’épicière Léa Charest est convaincue qu’ils seront plus nombreux à l’adopter année après année. Ce qui contribuera notamment à diminuer les prix, croit-elle.