Québécois dans le Maine : des retrouvailles heureuses… mais chères
Rapidement, on reconnaît le véhicule de Radio-Canada. Pierre Roger nous interpelle du balcon. Lui et sa conjointe Charlotte sont tous deux retraités et viennent de Québec. Ils ont réservé leur chambre dès le mois de novembre pour deux semaines. Ils avaient hâte : Quand on a vu que les douanes rouvraient, on a dit : « On réserve. Si ça marche pas on annulera! »
Les revoilà donc aujourd’hui à contempler l’océan du balcon de leur chambre. En cette mi-juin, l’eau est froide : 15 degrés Celsius (59 degrés Fahrenheit). Pas grave, ce ne sont pas de grands baigneurs.
« C’est du pur bonheur de retrouver ce qu’on attendait : la détente, le bruit des vagues quand on se couche le soir, la vue… »
Pierre évoque ses moments d’enfance passés ici : La pizza, les frites, marcher sur la Main.
Charlotte en aurait aussi beaucoup à dire : J’ai beaucoup, beaucoup de souvenirs avec les enfants, les petits-enfants, des souvenirs de jeunesse. Même de jeunesse, oui! Qu’on ne racontera pas!
Les Québécois font partie de la vie estivale d’Old Orchard depuis des décennies. Partout, les drapeaux canadiens côtoient les drapeaux américains. On croise un motel appelé Mont-Royal, quelques mots français ici et là. Un gros dessin de poutine au casse-croûte. Old Orchard Beach, avec ses manèges au bord de la plage, est perçue par plusieurs comme la destination kétaine
du Maine. Mais la ville s’améliore d’année en année
, dit Pierre. Et il y a l’océan…
Un retour attendu
Au cours des deux dernières années, beaucoup de nouveaux touristes américains sont venus à Old Orchard. Faute de partir à l’étranger, ils ont découvert le Maine. Une bonne chose pour l’industrie touristique locale, qui s’est quand même ennuyée des Québécois.
« Plusieurs entreprises font 60 % de leurs affaires grâce aux Canadiens français. Elles sont folles de joie de voir les frontières ouvertes à nouveau. »

Les Québécois sont de retour sur les plages dans le Maine. Les hôteliers sont contents de les retrouver, mais les prix ont explosé. Reportage de Jean-Sébastien Cloutier.
Visiteurs canadiens dans le Maine
- 2019 :
2,3 millions de visiteurs
1,3 milliard $ de dépenses - 2020 :
362 000 visiteurs
213 millions $ de dépenses - 2021 :
63 600 visiteurs
32 millions $ de dépenses
Des vacances plus chères
Pierre et Charlotte Roger paient leur chambre 200 $ CA la nuit. Une vingtaine de dollars de plus qu’avant, mais c’est encore raisonnable. Jusqu’à la Saint-Jean-Baptiste, on est encore en basse saison. Toutefois, ceux qui vont visiter le Maine en juillet ou en août vont faire le saut. Un coup d’oeil sur une plateforme de réservations en ligne le confirme : même dans les motels dits abordables Budget Friendly, une famille de quatre qui souhaite passer la fin de semaine du 16 juillet à Ogunquit, par exemple, risque de payer un minimum de 330 $ CA avant taxes pour chaque nuit. Et ça, c’est s’il reste une chambre libre. La demande pour le Maine est forte.
L’augmentation de la demande est tellement grande que plusieurs se sont retirés des sites de réservations en ligne. Appelez les hôtels directement
, suggère Ramsay Lafayette, qui gère trois hôtels en bord de mer à Ogunquit. Il admet que ses prix ont augmenté : Ici au Norseman, une nuit coûtera environ 350 $ US au plus fort de la saison, alors que l’an dernier c’était autour de 289-300 $ la nuit.
Les restaurants aussi ont augmenté leurs prix. Il faut dire que l’inflation vient d’atteindre 8,6 % aux États-Unis, un record en 40 ans. Scott Vogel, propriétaire de deux restaurants au centre d’Ogunquit, évalue que ses menus coûtent de 10 à 15 % plus cher en moyenne cet été. Bien sûr, il faut aussi calculer le taux de change.
Ce n’est pas qu’on veut rattraper nos pertes des deux dernières années. On n’a juste pas le choix avec tout ce que ça coûte maintenant. Les produits laitiers, la viande, les fruits de mer… les prix ont explosé
, explique Scott Vogel, propriétaire du Crew Ogunquit et de The Front Porch.
Dans ce contexte, inutile de dire que le homard devient un grand luxe. Jusqu’à 59 $ la livre dans un bon restaurant, nous a dit un Québécois. Quant à l’essence, elle atteint aussi des prix records aux États-Unis. Mince consolation : elle demeure pour les Canadiens beaucoup moins chère qu’au pays (environ 1,74 $ CA actuellement).
Cette flambée des prix fera certainement réfléchir plusieurs voyageurs estivaux. Toutefois, parmi ceux que nous avons rencontrés, tous étaient souriants. Ils avaient retrouvé leur bord de mer et c’est ce qui comptait le plus.