
Une norme sur le nickel assouplie pour séduire l’industrie
Le ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques confirmait la semaine dernière qu’il irait de l’avant avec un règlement permettant d’assouplir les normes environnementales pour les émetteurs de particules de nickel.
S’il assure qu’il veut maintenir un équilibre pour préserver la santé humaine, le gouvernement du Québec, par la voix du ministère de l’Économie et de l’Innovation, admet que la décision repose sur une logique économique. Le nickel y est considéré comme un minerai stratégique
.
La modification de la norme du nickel assurera la poursuite de projets d’entreprises du secteur et appuiera les nombreux efforts pour créer une filière complète de fabrication de batteries au Québec
, explique un porte-parole dans un courriel envoyé à Radio-Canada.
« En modifiant sa norme sur le nickel, tout en s’assurant de préserver la santé ainsi que la qualité de vie des citoyens et en respectant l’environnement, Québec veut attirer des joueurs importants de l’ensemble de la chaîne du nickel. »
Des projets sur la table
Deux minières extraient actuellement du nickel du sol québécois, soit Glencore Canada et Canadian Royalties, exploitant toutes deux des gisements au Nunavik. Elles projettent aussi d’étendre leurs activités.
Dans le cas de Glencore, la minière souhaite prolonger la durée de vie de la mine Raglan. Canadian Royalties vise dans son cas à exploiter le gisement de Puimajuq.
Une troisième société minière, Magneto Investments, espère quant à elle lancer le projet Dumont dans la région d’Amos, en Abitibi. À eux seuls, l’expansion de Raglan et le lancement de Dumont doubleraient la capacité de production de nickel du Québec, selon le MEI.
Le Québec a la chance de disposer de gisements de nickel de classe mondiale. Le nickel est un minerai stratégique au cœur du développement de la chaîne de valeur québécoise des batteries pour véhicules électriques
, ajoute le MEI dans ses communications.
Hausse de la demande
La volonté du Québec s’appuie sur des études commandées par le gouvernement à SNC-Lavalin et à la firme Deloitte. Remises en 2018, ces documents n’ont été rendus publics que la semaine dernière, lors de l’annonce du projet de règlement assouplissant la norme québécoise sur le nickel.
On y apprend que la demande mondiale en nickel devait augmenter de un million de tonnes d’ici 2025. La croissance anticipée pour le marché des batteries s’explique, entre autres, par la croissance anticipée des ventes de véhicules électriques
, précise le rapport de Deloitte.
Ces constats concordent avec les objectifs de développement de ce que le gouvernement du Québec appelle la filière batterie
. Son premier objectif est d’exploiter et transformer les minéraux du territoire québécois pour fabriquer des composants de batterie
, dont le nickel.
Le Québec veut également produire des véhicules commerciaux électriques et développer le recyclage des batteries grâce aux technologies québécoises d’avant-garde
.
Selon le gouvernement, il était donc essentiel que le cadre réglementaire québécois visant les étapes d’extraction, de conversion et de transformation du nickel soit ajusté pour refléter les normes internationales
. Et ce, dans le but d’attirer ici la fabrication d’anodes, de cathodes et d’électrolytes nécessaires à l’assemblage de batteries
.
Perte de productivité
Les études commandées par le gouvernement mentionnent qu’à 14 nanogrammes de nickel par mètre cube (ng/m3), la norme actuelle est la plus sévère au monde
.
Ce serait l’une des raisons pour lesquelles l’industrie faisait pression sur Québec depuis près de 10 ans, avec une armée de lobbyistes, pour l’assouplir et éviter le dépassements des seuils. Le projet de règlement propose une norme quotidienne à 70 ng/m3 et une moyenne annuelle de 20 ng/m3.
En entrevue à Radio-Canada l’été dernier, le directeur des communications de Glencore Canada plaidait que la norme était tout simplement impossible à respecter. Avec cette norme les activités minières et les activités logistiques de l’industrie du nickel pouvaient devenir insoutenables en plus de générer des inquiétudes injustifiées dans les communautés voisines des activités
, exprimait Alexis Segal.
Le
MEI partage ces craintes.La mise en place de mesures de mitigation additionnelles [pour minimiser les émissions de nickel] en réponse à de potentiels dépassements de la norme réduirait la compétitivité mondiale des minières de nickel au Québec et pourrait éventuellement les amener à ralentir leurs activités de manière temporaire ou même permanente
, explique le gouvernement.
Il était donc nécessaire, selon Québec, de modifier la norme pour conserver notre attractivité
.
La province se positionnerait, avec sa nouvelle norme, à des concentrations similaires à celles de l’Europe et de l’Ontario, tout en conservant une limite journalière plus stricte, bien que cinq fois plus élevée que la norme actuelle au Québec.
Selon les données du gouvernement, la production minière de nickel au Québec représente annuellement des investissements de 500 millions de dollars dans l’économie et quelque 2900 emplois directs ou indirects.